Dans le cadre des 26e Rencontres nationales Goncourt des lycéens de Rennes, l’association a organisé le 25 novembre dernier un atelier d’écriture géant.

À partir d’une contrainte commune, les lycéens étaient invités à produire des textes. Les 400 lycéens se sont prêtés au jeu en petits groupes et une cinquantaine d’entre eux ont ensuite accepté de partager leur création en montant sur scène lire leurs textes devant leurs camarades. Même pas peur !
 

Le principe de l’atelier

Piocher dans une pile de romans mis à disposition des mots, des phrases, des fragments, qui vont ensuite servir à la rédaction de son propre texte…

© Bruit de Lire / Patrice Normand

Texte 3


On ne s’est pas parlé, c’est tout. J’ai essayé de lui dire mais il ne voulait rien entendre. Les seuls mots qui signifient quelque chose pour lui sont les siens. Rien ni personne d’autre ne trouve raison à ses yeux.
« Il n’y a pas de vie sans mensonges » s’obstine-t-il à répéter. Il ne veut pas de la vérité, il n’en veut pas parce qu’elle lui fait peur. Cependant il n’est pas une exception, des tas de gens ont peur de la vérité.
Alors parfois, seulement parfois, quand il m’écoute un peu, j’essaie de lui expliquer et alors les mots se perdent, la vérité aussi.
Il n’y a pas de vie sans mensonges.

Texte 5

« Observons-le puisque lui seul demeure visible de notre point de vue » se disent sûrement les spectateurs.
Je m’imagine les pensées des personnes qui me regardent alors que le public chante à l’unisson pour réclamer le début des combats. J’ai voulu m’attacher un crime au cou comme une pierre, en croyant que ça me rapporterait. Mais on ne fait pas briller ses lunettes avec du cirage noir. Des fois je donnerais ma main à couper pour devenir tout de suite un homme droit et juste. Mais il est trop tard. Je suis dans l’arène et rien ne me sauvera de mon destin. 
Mais revenons à nos moutons arithmétiques. Car j’entame une addition afin de savoir combien de gladiateurs me font face.

Texte 7

C’était lundi. Cette première tentative d’incendie criminel et d’attentat contre sa vie aurait dû avertir Côme qu’il lui fallait se tenir loin du bois. J’étais assis et je regardais sa mère. Elle pensait à ce qui était arrivé. Elle resta muette, croisa les bras sur sa poitrine, eut un long frisson. Pendant tout ce temps, j’étais incapable de réagir. Que Dieu me soit en aide !
Sa mère pleurait, il s’agissait de son enfant là. Le silence régnait dans la pièce.

Texte 9

« Une fée m’apparaîtra ? » s’était demandée Emily. Je m’accrochais à cette possibilité, à cette éventualité heureuse, qui m’offrait une sortie digne de ce cloaque.
J’ai frappé à la porte et comme Emily ne répondait rien, je me suis recouchée.
Tout était tellement en désordre, avec ce vieux matelas par terre et juste un drap sale en boule. Il y aurait fort à faire demain.
J’avais à peine fermé les yeux que j’ai entendu un hurlement animal, un cri du ventre, d’entrailles. Des voix criardes, des silhouettes éthérées se sont mises à défiler, à danser dans une frénésie infernale et ont suspendu un voile de songes sur ma réalité. Mais était-ce ma réalité ou celle d’Emily ?
Quand la vie se détricote, en quoi faut-il croire ? Et lorsqu’on imagine ne croire en rien, ne croit-on pas quand même au hasard ?
Partir est-ce un hasard ?
Elle ne pouvait pas partir, condamnée pour combien de temps encore à patauger dans cette bauge. Elle n’avait pas à me le rappeler.
Personne, jamais, ne lui avait appris à finir.

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Découvrez 10 textes sélectionnés parmi les productions des lycéens !

Texte 1


Matin de givre et de soleil. Qui peut savoir quelles tueries cachées sous les siècles anciens sculptent aujourd’hui le devenir d’une nation ? Il y eut un silence, un quart de seconde sans rien, ni mots ni gestes, parce que c’était la première fois depuis si longtemps qu’on se regardait de si près. Alors le château entier avait tremblé. Le soleil passa derrière le vieux château et il y eut une remontée de bleu dans le paysage. Celui qui toujours avait condamné les bûchers soufflait sur les braises du mien depuis l’au-delà. Et je sombrais dans un sommeil sans rêve, comme on meurt.

Texte 2

 C’est une journée blanche et brumeuse et la route monte vers un ciel vide ; la neige était fine, elle ne tenait pas longtemps près du rivage. On prend alors conscience que l’humanité ne remplit rien de plus qu’une simple page de matière, fragile, l’enfant repose sur des jambes de verre.

Texte 4

 

Tout dormait, tout était plongé dans l’obscurité et le silence profond qui précède les premières heures du jour.

Il était là, devant moi. Je voulais le rejoindre mais mes pas ne me portaient plus.
Il aurait voulu que je grandisse. Impossible de grandir. Il aurait voulu que je laisse tomber mon masque, que je laisse parler mes émotions. Mais à quoi bon arracher un masque lorsqu’il fait plus peur à celui qui le porte ?
À quoi bon éparpiller les clôtures que j’avais mis des années à dresser autour de mes émotions ?
Ce n’est pas justice, car celui qui a recours à la justice tient le loup par les oreilles !
Au fond nous sommes tous des animaux…

Texte 6

Les mois qui suivirent, il se produisit à Montepuccio un étrange phénomène
Cela se traduit par des futilités qui blessent et excluent cruellement.
Temps réel, lignes de vie accélérées, brisées avec l’illusion de pouvoir tout recommencer.
La Terre s’achève, le train finit sa course.
Le nom de la gare terminale claque comme un étendard hissé au sommet d’un mât par grand vent.
Il voyait sa vie comme une succession de funestes cycles.
Nous partageons la même folie, c’est elle qui, comme la Terre, nous divise et nous réunit.
Je ne comprends pas comment c’est arrivé.

© Bruit de Lire / Patrice Normand

Texte 8

Connaissez vous ces moments de bonheur qu’on retrouve dans les poèmes avec bonheur, une lumière qui franchit les mots comme en les effaçant ? Bien qu’ils n’aient été que peu présents ou bien de courte durée dans ma vie, je les ai connus, du moins je l’ai connu, lui, mon moment de bonheur. J’ai décidé de ne jamais en parler mais de ne rien oublier. C’est pour ça que je dis que je suis devenue grande d’un coup, comme si j’avais bu la potion d’Alice.
Le temps est assassin, chaque seconde nous rapproche de la mort, de notre funeste destin. Ici, sur terre, la jeunesse a vite fait de passer ; alors pensez, dans les arbres où tout est destiné à tomber : les feuilles comme les fruits. Moi comme lui.
J’avais quitté ma ville natale, afin de lier nos vies, nos destins, pour que nous puissions finir ainsi main dans la main.
Lorsque la nuit enveloppait le pays de son manteau d’étoiles, de sa fraîcheur nocturne, j’aimais observer la lune. Ombres calmes, buissons tremblant à peine et les couleurs elles aussi ferment les yeux. L’obscurité lave la terre.

Texte 10

« Le bonheur m’a toujours semblé une ratification, une réussite. »
L’eau est bleue comme les pétales du plus beau bleuet, pure comme le verre le plus transparent, si profonde qu’il serait inutile d’y jeter l’ancre.
Ses jolies mains blanches ne portent qu’une simple alliance. Elles pendent le long de sa jupe raide et sombre.
Je me croyais riche d’une fleur unique, et je ne possède qu’une rose ordinaire.
Loin des rivages de son pays, sous un ciel étranger, le ciel brûlant du midi, dans la ville éternelle et magnifique.
La rose de verre, la rose de charbon, la rose de nuages, la rose de bois, la rose de fer refleuriront toujours.
Que les mousses bleuissent, que le chardonneret chante et que s’achève le grand surf dans la nuit digitale.